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Un bouleversement du marché des crypto-actifs due à une nouvelle loi américaine

Le 30 novembre 2021
Un bouleversement du marché des crypto-actifs due à une nouvelle loi américaine

Le président Joe Biden a promulgué le « infrastructure investment and job act » adopté par le Congrès américain, le 15 novembre 2021. Le lendemain, la capitalisation boursière total du marché des cryptoactifs a perdu 0,83% de sa valeur et le volume d’échange a baissé de 10%.

 

Cette baisse brutale du marché des cryptoactifs n’est pas anodine. Le nouveau texte est venu appréhender certains aspects de ce marché.

Plus précisément, la section 80603 de la nouvelle loi réglemente  le régime des cryptoactifs, en imposant un ensemble d’obligations à l’égard des courtiers et en instaurant une définition des actifs numériques. Enfin, cette nouvelle réglementation, outre la clarté du cadre juridique a pour objet de mettre en place un ensemble d’obligations déclaratives, causant ainsi une panique au sein des marchés des cryptoactifs cette semaine.

I.                   La qualité de broker des plateformes d’exchanges :

 

La nouvelle loi inclut dans la définition des courtiers prévue au code fédéral des impôts américaine, les plateformes d’échange de cryptoactifs.

Désormais, la section 6045 c, 1 du Internal Revenu Code rajoute que le coutier « broker » est aussi « toute personne qui effectue à titre onéreux des services de transfert d’actifs numériques pour le compte d’autres personnes »[1].

Autrement dit, des plateformes d’échange tels que Coinbase, Binance, Kraken ou encore Robinhood sont désormais considérés comme des courtiers (brokers).

 

 

II.                Obligations déclaratives : mise en place d’un K.Y.C[2]

 

Les plateformes d’échanges de cryptoactifs, ayant désormais la qualité de « Broker » , seront tenues à certaines obligations d’informations à l’égard des autorités financières américaines, conformément au Internal tax Revenue Code[3].

Tout d’abord, les plateformes d’échanges seront tenues d’établir des déclarations relatives aux opérations effectuées par chaque client durant l’année, qu’il ait réalisé des gains ou des pertes ; conformément à la section 6045, g du présent Code.

De plus, conformément à la section 6045 a et b ainsi qu’à la section 6045A[4], d du présent code, les courtiers sont désormais tenus de fournir toutes les informations personnelles de leurs clients à savoir : noms, prénom, adresses ainsi que tout autre information qui serait demandées par les autorités financières américaine. Les plateformes seront tenues d’informer les clients concernés de la déclaration faite auprès des autorités en indiquant l’ensemble des informations transmises.

 

Ces déclarations seront à fournir à compter du 31 décembre 2023.

 

Rappelons que cette loi fait probablement référence aux récentes procédures entreprises par la SEC[5] à l’encontre des plateformes de cryptoactifs ; la plus récente étant Binance. La plateforme a par la suite publié une charte des droits et obligations de l’utilisateur sur sa plateforme. 

 

III.             Une nouvelle définition des cryptoactifs

 

La section 80603 b, D de la nouvelle loi vient définir les actifs numériques (digital asset).  Sont considérés comme actifs numériques «  toute représentation numérique de la valeur qui est enregistrée sur un registre distribué sécurisé par cryptographie ou toute autre technologie similaire spécifiée par les autorités américaines. »[6]

Ainsi, cette définition inclut donc à la fois les cryptoactifs mais aussi les NFT ainsi que tout autre actif susceptible de voir le jour dans les années à venir.

Cette nouvelle définition entre en vigueur à compter du 1er janvier 2023.

 

De plus, la nouvelle loi vient instaurer une seconde obligation déclarative, en assimilant les opérations de transfert de cryptoactif à la notion de « cash » prévue à la section 6050 I d du Internal tax revenue Code[7]. Dès lors, toute opération sur cryptoactifs, que ce soit une vente  un achat, une conversion ou un transfert est soumise à une obligation déclarative dès lors qu’elle est supérieure à un montant de 10.000 Dollars.

 

IV.             La finance décentralisée

 

 

Les plateformes de finance décentralisée ne semblent pas entrer dans la nouvelle définition de Broker. En effet, ces plateformes ne proposent pas de service de transfert d’actifs numériques mais simplement une plateforme dans laquelle des utilisateurs échangent leur crypto actifs dans un marché alimenté par d’autres utilisateurs dits «  liquidity provider ». Autrement dit, la finance décentralisée revient à échanger ses crypto-monnaies en peer to peer et non pas par le biais d’une plateforme d’échange tel Coinbase.

De plus, ces wallets sont totalement anonymes et décentralisés sur la blockchain. Nous voyons mal comment un KYC tel qu’imposé à l’égard des broker pourrait être mis en place sans dénaturer le principe même de la décentralisation.



[1] « any person who (for consideration) is responsible for regularly providing any service effectuating transfers of digital assets on behalf of another person ».
[2] Know Your Customer.
[3] Section 6045 du Internal Tax Revenue Code : https://www.law.cornell.edu/uscode/text/26/6045
[4] Section 6045A du Internal Tax Revenue Code : https://www.law.cornell.edu/uscode/text/26/6045A

 
[5] Security and Exchange Commission
[6] « Except as otherwise provided by the Secretary, the term ‘digital asset’ means any digital representation of value which is recorded on a cryptographi- cally secured distributed ledger or any similar technology as specified by the Secretary. ».
[7] Section 6050 I d du Internal tax Revenu Code : https://www.law.cornell.edu/uscode/text/26/6050I